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Verre d'eau Up To Us
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Question ouverte

Peut-on fabriquer de l’eau ?

4 min

Description

Observons la nature, c’est sûrement l'une des meilleures sources d'inspiration.

Components

S’il est vrai que la structure chimique de l’eau est assez peu complexe (deux molécules d’hydrogène, une molécule d’oxygène), les scientifiques ont du mal à la reproduire. Premier problème : il est particulièrement coûteux (en termes financiers comme énergétiques) de produire de l’oxygène et de l’hydrogène en grandes quantités. Par ailleurs, le mélange de ces deux gaz s’avère très risqué, puisque leur rencontre produit une grande quantité d’énergie – sous la forme d’une explosion. « Il serait théoriquement possible de faire baisser le coût de la production d’hydrogène, et d’inventer une solution permettant de minimiser les risques d’explosions incontrôlées », explique Hannah Safford, ingénieure environnement de l’Université de Californie à Davis, « mais nous ne prenons pas cette peine, car il existe bien d’autres options plus simples à mettre en œuvre ».
 

Talent aiguille

Plutôt que de créer de l’eau en partant de zéro, les experts préfèrent donc trouver de nouvelles manières de la récolter dans la nature. Ces méthodes prometteuses ne cherchent pas à réutiliser ou à recycler l’eau, préférant opter pour des solutions « bio-inspirées », qui permettent d’extraire l’eau présente dans l’air. Et il se trouve que le majestueux séquoia dispose de ce super-pouvoir méconnu ! L’alignement et l’espacement particuliers de ses aiguilles lui permettent de retenir des gouttelettes d’eau présentes dans l’air, qui viennent hydrater l’arbre. Des chercheurs ont élaboré divers systèmes permettant de reproduire ce mécanisme de survie dans des régions brumeuses ou humides : grands panneaux de filets à mailles, série de fils fins disposés verticalement à la manière d’une harpe,  surfaces solides striées de rainures microscopiques… Leur but : récolter de microscopiques gouttes d’eau suspendues dans l’air. Les gouttelettes se condensent et viennent former des gouttes de plus en plus grosses, qui finissent par tomber dans un réceptacle. La cerise sur le gâteau ? « Cette eau est potable », précise Hannah Safford. « Il faudrait sans doute effectuer une dernière étape de désinfection (au chlore ou à l’ozone), mais guère plus dans la plupart des cas ».

À retenir

Le séquoia peut retenir des gouttelettes d’eau présentes dans l’air grâce à ses aiguilles.

Le processus s’avère plus complexe dans les climats arides. Avant de pouvoir récolter les gouttelettes, les chercheurs doivent convertir en liquide la vapeur d’eau qui se trouve dans l’air. « Certaines approches sont inspirées par la nature. La formation des nuages, par exemple ; lorsqu’une couche d’air chaud rencontre une couche d’air froid et se condense pour former un nuage, transformant ainsi la vapeur d’eau en eau liquide », détaille Hannah Safford.
 

À chaque environnement son défi

Les systèmes de collecte font face à un problème de taille : les changements climatiques (les mois d’été sont bien différents des mois d’hiver ; les climats arides sont différents des climats tropicaux). Chaque environnement présente un éventail de problèmes différent, et requiert une solution bien particulière. Les chercheurs expérimentent donc pour adapter la structure, le revêtement et la géométrie des différents dispositifs à leurs environnements, afin de leur permettre de recueillir les précieuses gouttelettes et de les acheminer vers les réservoirs avec une efficacité optimale.

« Une couche d’air chaud rencontre une couche d’air froid et se condense pour former un nuage, transformant ainsi la vapeur d’eau en eau liquide. »

Hannah Safford, ingénieure environnement de l’Université de Californie à Davis

« Ce processus en est à l’étape dite de la “Vallée de la Mort” », raconte Hannah Safford. « Il a été mené à bien en laboratoire et dans plusieurs projets pilotes, et nous comprenons la technologie nécessaire à sa réalisation. Il nous faut maintenant optimiser l’aspect technique et mettre sur pied le modèle économique qui nous permettra de surmonter trois défis clés  : le coût, la pérennité et la flexibilité. » La chercheuse demeure toutefois très optimiste. Elle pense que cette technologie sera bientôt déployée à grande échelle dans les régions rurales ou enclavées qui ne peuvent mettre en place des méthodes de traitement des eaux usées et de dessalement plus avancées.

« L’air est partout », explique-t-elle, « et là où il y a de l’air, il y a de l’humidité ». C’est là une excellente nouvelle, car la rareté de l’eau est un problème qui touche la quasi-totalité des écosystèmes, et la planète dans son ensemble : même les quartiers les plus huppés ne seront pas épargnés.

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